Réunis en commission mixte paritaire le mercredi 15 mars, les députés et les sénateurs se sont mis d’accord sur un texte commun aux deux assemblées. C’est ce compromis qui a été adopté sans vote, par l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution, le jeudi 16 mars. Analyse, point par point.
Par Jérôme Citron— Publié le 21/03/2023 à 14h00
La loi – adoptée sans vote le 16 mars – ne diffère pas sensiblement du projet initial du gouvernement et présenté quelques semaines plus tôt par Élisabeth Borne. Dans la mesure où il n’y a presque pas eu de débat à l’Assemblée nationale, seuls quelques amendements votés par les sénateurs ont modifié à la marge le projet de loi. Désormais, seul le Conseil constitutionnel peut encore censurer tout ou partie de la loi.
Recul de l’âge de départ à 64 ans, loi Touraine, régimes spéciaux…
Le report de l’âge légal à 64 ans et l’accélération de la loi Touraine sont les deux mesures phares de la loi. Elles n’ont pas été modifiées par les sénateurs. À partir du 1er septembre 2023, l’âge légal permettant de partir en retraite va être décalé progressivement pour atteindre 64 ans à raison de trois mois par an.
La génération née en 1968 sera la première à ne pas pouvoir partir avant 64 ans. Idem en ce qui concerne l’accélération de la loi Touraine, aucun changement. Les quarante-trois années de cotisation obligatoires s’appliqueront dès la génération 1965 (au lieu de la génération née en 1973 aujourd’hui).
Il n’y a aucun changement non plus en matière de régimes spéciaux. Comme le prévoyait le projet du gouvernement, la loi acte la fin des régimes de retraite des salariés des industries électriques et gazières (IEG), des salariés de la RATP, des clercs et employés de notaire, de la Banque de France et des membres du Conseil économique, social et environnemental à partir du 1er septembre 2023. Autrement dit, la clause du grand-père est appliquée. Les anciens salariés de ces entreprises continueront de cotiser dans le cadre d’un régime spécifique mais les nouveaux embauchés, eux, cotiseront au régime général des salariés du privé.
Carrière longue, pénibilité, invalidité…
En ce qui concerne les carrières longues, la loi prévoit un départ à partir de 58 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 16 ans, à 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 16 et 18 ans et 62 ans pour ceux qui ont commencé à travailler entre 18 et 20 ans. Les sénateurs ont, de plus, ouvert la possibilité aux salariés qui ont commencé leur carrière professionnelle entre 20 et 21 ans de partir à 63 ans.
Dans le cadre de la pénibilité, l’âge à partir duquel il est possible de faire valoir ses droits à pension est fixé à 62 ans. Le texte prévoit quelques améliorations dans le dispositif, mais les quatre critères de pénibilité qui ont été supprimés par Emmanuel Macron en 2017 (port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et agents chimiques dangereux) ne sont pas réintégrés.
Les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle pourront, eux, partir en retraite pour incapacité à 60 ans. Les sénateurs ont en effet amendé le projet du gouvernement, qui prévoyait un départ à 62 ans. Les travailleurs handicapés pourront partir à compter de 55 ans.
Surcote pour maternité ou éducation
Par rapport au projet du gouvernement, les sénateurs ont introduit une nouvelle disposition. La loi prévoit que les assurés ayant obtenu au moins un trimestre de majoration au titre de la maternité ou de l’éducation puissent s’ouvrir des droits à surcote dès 63 ans. Cet amendement est clairement une réponse au fait que le report à 64 ans est particulièrement pénalisant pour les femmes qui, avec la bonification de trimestres pour chaque enfant, auraient pu justifier de quarante-trois années de cotisation dès 62 ans, mais devront à présent attendre 64 ans. Les sénateurs ont préféré un bonus financier au lieu de valider un départ anticipé.
Index, accord et CDI senior, fin de carrière
Les deux mesures du texte issu de la CMP en direction des seniors se révèlent particulièrement peu ambitieuses : la création d’un index senior et l’incitation des partenaires sociaux à négocier un accord national interprofessionnel relatif à l’emploi des seniors. S’il n’y a pas d’accord national, l’expérimentation d’un CDI senior exonéré de cotisations familiales sera privilégiée. Les entreprises à partir de 300 salariés (les sénateurs ont fait passer l’obligation de 50 à 300) devront donc publier un index dont les indicateurs seront précisés par décret. La mesure est peu contraignante : si les indicateurs se détériorent pendant trois années consécutives, les entreprises devront simplement engager une négociation ou un plan d’action.
En ce qui concerne les fins de carrière, la loi étend le dispositif de retraite progressive à la fonction publique. Il s’agissait d’une demande de la CFDT-Fonctions publiques depuis plusieurs années. Le dispositif tient toutefois compte du décalage de deux ans de l’âge légal. Il ne pourra donc être activité qu’à partir de 62 ans.
Équilibre financier
Au final, les quelques concessions faites aux sénateurs, notamment sur les carrières longues, seront financées par une augmentation plus élevée que prévu des cotisations vieillesse, augmentation qui sera elle-même compensée intégralement par une baisse des cotisations AT-MP1. La réforme reste donc totalement indolore pour les entreprises. L’objectif du gouvernement est clair : la réforme doit permettre de parvenir à l’équilibre financier du régime à l’horizon 2030 ; son caractère injuste et brutal lui importe peu.