En 2022, les violences conjugales ont augmenté de 15 % comme chaque année depuis 2019 et concernent à 86 % les femmes. Plusieurs sénatrices déplorent ce nouveau bilan et évoquent des pistes d’action pour enrayer les violences.
L’année 2022, sera comme les précédentes depuis 2019, une année où les violences conjugales sont en augmentation. Dans son bilan publié aujourd’hui, le ministère de l’Intérieur explique que parmi les 244 300 victimes recensées, 86 % sont des femmes. En 2022, les forces de l’ordre ont noté une augmentation de 15 % de ces violences, « proche du taux d’évolution annuel moyen constaté depuis 2019 », a observé dans un communiqué le Service statistique de la sécurité intérieure.
Responsabilité des politiques publiques
Ce service du ministère de l’Intérieur explique ces augmentations par « la libération de la parole des femmes ». « Je ne conteste pas le fait que la libération de la parole induise une augmentation des signalements, mais cette augmentation de 15 % par an illustre quand même l’échec des politiques publiques, c’est inquiétant », regrette Mélanie Vogel, sénatrice écologiste. La représentante des Français établis hors de France pointe également le nombre de féminicides qui ne baisse pas. Il y en a eu 118 en 2022, quatre de moins qu’en 2021. « Là, il n’est pas question de porter plainte, le fait que ça ne baisse pas prouve l’absence de l’impact des politiques publiques », lance celle qui est membre de la commission des lois.
Si elle reste « prudente » sur la responsabilité du gouvernement dans la stabilité de ces chiffres parce qu’il « faudrait des études plus fines, connaître les condamnations, les réitérations », la sénatrice socialiste Laurence Rossignol alerte tout de même sur deux éléments. « Ce qui est incontestablement à la charge des politiques gouvernementales, c’est la politique du logement qui favorise la réitération des violences puisqu’il est plus difficile de décohabiter » vu qu’il y a moins de logements disponibles, explique l’ancienne ministre des Familles, de l’enfance et des droits des femmes pendant le quinquennat de François Hollande.
La sénatrice du Val-de-Marne met aussi en cause « le refus de ce gouvernement de lutter contre l’alcoolisme ». « On l’a encore vu hier soir pendant l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le gouvernement préfère privilégier des filières de production d’alcool plutôt que de lutter contre l’alcoolisme qui est un facteur de violence », souligne Laurence Rossignol. Dans ces chiffres de 2022, le ministère de l’Intérieur rapporte que le taux de victimes qui portent plainte est plus important pour les violences physiques (34 %) et le harcèlement moral (26 %), mais plus faible (10 %) pour les violences sexuelles au sein du couple.
« On avance, même si ça ne va jamais assez vite »
Parmi les mesures que le gouvernement pourrait prendre pour lutter contre les violences conjugales dont les femmes sont les premières victimes, Mélanie Vogel insiste sur le besoin d’investissement. « On propose chaque année de consacrer 0,1 % du PIB à la lutte contre les violences, cela représente 2 milliards d’euros, mais le gouvernement le refuse », déplore l’élue écologiste. Du côté des associations, la présidente de la Fondation des Femmes Anne-Cécile Mailfert indique que « les efforts ne sont pas suffisants pour prévenir les violences et protéger les femmes victimes ».
« Depuis le Grenelle, les choses ont évolué, même si ça ne va jamais assez vite », considère Dominique Vérien, la présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes. Elle cite par exemple les brigades de protection de la famille. Co-auteure du rapport « rouge vif » pour « améliorer le traitement judiciaire des violences intrafamiliales », la sénatrice de l’Yonne rappelle aussi qu’une proposition de loi sera déposée en février à l’Assemblée nationale pour délivrer immédiatement une ordonnance d’éloignement et ainsi « protéger directement la victime », « le juge des affaires familiales aura 6 jours pour la confirmer ensuite », détaille-t-elle.
Parmi les autres mesures nécessaires, Dominique Vérien plaide en faveur de cours de vie affective et d’éducation sexuelle à l’école pour « éviter les violences » et protéger les enfants des conflits familiaux afin d’écarter un « risque de reproduction ». La présidente de la délégation aux droits des femmes demande en plus « un pilotage au niveau interministériel » de la lutte contre les violences conjugales et également la mise en place d’un fonds dédié pour que les associations puissent mettre en place leurs projets. Au-delà de toutes les mesures que pourrait prendre le gouvernement, Laurence Rossignol met également en garde : « Tous ceux qui dans le débat politique font le commerce de la détestation des féministes renforcent ceux qui transforment la haine des féministes en violence contre les femmes. »
Source: PublicSenat.fr