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LE HARCÈLEMENT AU TRAVAIL

Publié le 17/08/2020 (mis à jour le 10/07/2023)

Par Service Juridique – CFDT

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité envers les salariés : il est le garant de leur sécurité physique et mentale.  Ainsi, en matière de harcèlement, qu’il soit d’ordre moral ou sexuel, l’employeur doit prévenir les agissements fautifs, les faire cesser et sanctionner l’auteur des faits.

LE HARCÈLEMENT SEXUEL

DÉFINITION

Le harcèlement sexuel est visé à l’article L.1153-1 du Code du travail, il est constitué « par des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

Attention ! Le harcèlement sexuel c’est aussi : « toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers ».

Dans cette dernière situation, il n’est pas exigé des agissements répétés.

LES ÉVOLUTIONS DE LA NOTION DE HARCÈLEMENT SEXUEL EN CAS DE PLURALITÉ D’AUTEURS :

Le Code du travail assimile également au harcèlement sexuel le fait, pour plusieurs personnes, de faire subir à un salarié les faits précités, quand bien même ces dernières n’auraient pas agi de manière concertée, ni de manière répétée.

Enfin, est également assimilé à du harcèlement sexuel par la loi le fait pour plusieurs personnes, successivement, de faire subir ces propos et comportements à connotation sexuelle ou sexiste, lorsque ces derniers savent que leur comportement caractérise une répétition.

C’est la loi du 3 août 2018 relative à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui a introduit ces assimilations. En effet, le législateur avait à cœur la lutte contre le cyberharcèlement, pour s’aligner avec le Code pénal.

La jurisprudence parle de « harcèlement environnemental » pour viser la création d’un climat sexiste au sein de l’entreprise. Il peut se matérialiser par des propos à connotation sexuelle, dégradants pour les femmes, et ce même s’il est sous couvert d’humour.

LES OBLIGATIONS DE L’ENTREPRISE QUANT AU HARCÈLEMENT SEXUEL :

Depuis le 1er janvier 2019, date d’entrée en vigueur de la Loi Avenir Professionnel, l’employeur ainsi que le comité social et économique doivent désigner un référent harcèlement sexuel et agissements sexistes.

RÉFÉRENT EMPLOYEUR

Dans les entreprises d’au moins 250 salariés, l’employeur doit désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Ce référent est chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes (1)

RÉFÉRENT CSE

Depuis le 1er janvier 2019, chaque CSE, quel que soit le nombre de salariés dans l’entreprise, doit désigner en son sein un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes (2). Le référent doit être associé et, si besoin, contribuer à la mise en place d’actions de prévention dans l’entreprise ainsi qu’au suivi de la prise en charge des victimes. Il peut bénéficier d’une formation prise en charge par l’employeur.

Le référent du CSE bénéficie d’une formation complémentaire prise en charge par l’employeur, et ce conformément à l’article L.2315-18 du Code du travail.

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LE HARCÈLEMENT MORAL

Le harcèlement moral est défini par l’article L.1152-1 du Code du travail.  

Il y a trois points essentiels dans la qualification du harcèlement moral :

  • Des agissements répétés : il faut donc nécessairement que les faits fautifs se soient reproduits;
  • Ces agissements répétés doivent être susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé physique et mentale, ou de compromettre son avenir professionnel ;
  • Une (potentielle) dégradation des conditions de travail.

Pour caractériser le harcèlement moral, il suffit que les agissements répétés aient pour objet ou effet la dégradation des conditions de travail.

QUI PEUT ÊTRE L’AUTEUR DU HARCÈLEMENT ?

LE LIEN DE SUBORDINATION ENTRE HARCELEUR ET HARCELÉ N’EST PAS NÉCESSAIRE

La Cour de cassation (3) a maintes fois rappelé que pour être auteur de harcèlement moral envers un salarié, il ne faut pas nécessairement être dans un lien de subordination avec la victime. Autrement dit, un collègue, un supérieur hiérarchique, un employeur peuvent être auteurs d’un harcèlement moral.

L’INTENTION DE NUIRE N’EST PAS OBLIGATOIRE POUR ÊTRE HARCELEUR

Pour être harceleur, l’intention de nuire de l’auteur n’est pas nécessaire. Ainsi, la Cour de cassation maintient une jurisprudence constante (4) selon laquelle l’auteur du harcèlement ne peut arguer devant les juges qu’il n’était pas dans une intention délibérée de causer du tort au salarié harcelé.

LA RECONNAISSANCE D’UN HARCÈLEMENT MANAGÉRIAL 

On parle de harcèlement managérial pour définir des méthodes de gestion d’un supérieur hiérarchique lorsqu’elles en viennent à être remplir les conditions du harcèlement moral.

La Cour de cassation a souvent rappelé (5) que le harcèlement managérial peut se retrouver dans plusieurs faits isolés, même de nature différente, tant qu’ils démontrent un harcèlement moral. Ces faits-là constitueront alors dans leur ensemble le harcèlement devant le juge.

La cour d’appel de Paris a eu l’occasion d’y revenir dans un arrêt France télécom (CA Paris, 30 septembre 2022). Tel est donc le cas d’une entreprise qui lance un plan de restructuration prévoyant des suppressions de poste malgré les alertes psycho-sociales et qui avait introduit parmi ses pratiques managériales des pratiques harcelantes.

Le harcèlement managérial est parfois appelé harcèlement institutionnel.

LA PROTECTION OFFERTE PAR LA LOI À LA VICTIME ET AUX TÉMOINS

Lorsqu’on est victime de harcèlement et/ou qu’on relate de bonne foi des faits de harcèlement moral, le Code du travail en ses articles L.1152-2 et suivants garantissent une protection contre les représailles.

La mauvaise foi se trouve dans le fait de dénoncer « de façon mensongère » (6), notamment pour déstabiliser l’entreprise.

Ainsi, la rupture du contrat de travail qui serait faite pour répondre aux accusations de harcèlement moral sera nulle. La position de la Cour de cassation (7) est très claire, et le licenciement ne peut résulter de la seule circonstance que les faits ne soient pas établis.

La Cour de cassation (8) a renversé une jurisprudence jusque-là constante puisque désormais, le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié à ce titre et ce même s’il n’a pas expressément qualifier les faits de harcèlement moral lors de la dénonciation.

Le Code du travail prévoit des sanctions pénales en cas de discrimination des victimes ou témoins de faits de harcèlement, moral ou sexuel, portées à 1 an d’emprisonnement et 3750€ d’amende (9).

LES OBLIGATIONS DE L’EMPLOYEUR COMMUNES À TOUTES LES FORMES DE HARCÈLEMENT :

L’OBLIGATION DE SÉCURITÉ DE L’EMPLOYEUR

Conformément à l’article L.4121-1 du Code du travail, pèse sur l’employeur une obligation de sécurité envers le salariés. Autrement dit, l’employeur à l’obligation de mettre en œuvre des mesures pour préserver la santé mentale et physique des salariésen s’appuyant sur les principes généraux de prévention (10)

L’employeur doit être acteur de la prévention de toute forme de harcèlement. Ainsi, il prend toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement quel qu’il soit. Il informe par tous moyens les salariés, les personnes en formation ou en stage, des dispositions pénales relatives aux harcèlements.

L’EMPLOYEUR DOIT METTRE EN ŒUVRE 

  • Des actions de prévention des risques professionnels ;
  • Des actions d’information et de formation ;
  • Une organisation et des moyens adaptés (mise à jour selon les circonstances).

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le règlement intérieur doit nécessairement rappeler les dispositions relatives au harcèlement moral et sexuel.

EN TANT QUE VICTIME, QUI AVERTIR ?

Vous pouvez demander l’intervention des représentants du personnel au comité économique et social. Ces derniers disposent d’un droit d’alerte, par lequel ils pourront saisir l’employeur. L’employeur devra alors, sans délai, procéder à une enquête et prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme à la situation de harcèlement.

Il vous est également possible de saisir l’inspecteur du travail, lequel constatera les faits sur un procès-verbal.

Vous pouvez vous rapprocher de votre médecin du travail.

EN TANT QUE VICTIME, QUELLE PROCÉDURE ?

AGIR AU CONSEIL DE PRUD’HOMMES 

Lorsque l’on est victime de harcèlement au travail, la responsabilité de l’employeur peut être recherché devant le Conseil de prud’hommes au titre du manquement à l’obligation de sécurité.

Le salarié doit agir dans les 5 ans à compter des derniers agissements fautifs.

Dans le cadre du droit d’alerte, en cas de carence de l’employeur ou à défaut de solution apportée, le salarié ou un élu au CSE (avec accord écrit du salarié) peuvent saisir le bureau de jugement du conseil des prud’hommes, lequel statue en procédure accélérée au fond (11).

L’article L.1154-2 du Code du travail permet aux organisations syndicales représentatives dans l’entreprise d’agir en justice, en lieu et place avec l’accord écrit de la victime de harcèlement. Cela s’applique également à la procédure devant le juge pénal.

Les associations qui ont pour objet de lutter contre le harcèlement sexuel sont habilitées, avec l’accord de la victime, à exercer les droits reconnus à celle – ci.

COMMENT PROUVER LE HARCÈLEMENT QUE JE SUBIS ?

En matière de harcèlement, la charge de la preuve est allégée en ce que la victime du harcèlement n’a qu’à apporter des éléments de faits laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral ou sexuel.

Plus encore, la victime n’a pas à prouver l’intention de nuire du harceleur, celui – ci ne peut pas baser sa défense sur cela non plus.

En face, l’employeur aura à démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement. S’il est attrait en justice après une sanction « en représailles », il devra justifier sa mesure par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme ensuite sa conviction après avoir ordonné, si nécessaire, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles).

Il en est de même si la victime est un candidat à un emploi à un stage ou à une formation en entreprise (12).

QUELLES SANCTIONS ?

Si l’auteur du harcèlement est un salarié, la première des sanctions est nécessairement disciplinaire, c’est-à-dire prise par l’employeur. Elle va de la mutation au licenciement pour faute grave.

Le harcèlement sera également sanctionné par des dommages et intérêts devant le conseil de prud’hommes, notamment en cas de manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

AGIR AU PÉNAL 

La victime de harcèlement moral ou sexuel au travail peut saisir la justice pénal, notamment en portant plainte.

Le délai pour agir est de 6 ans, à partir du fait le plus récent de harcèlement.

Le jugement rendu au pénal, s’il ne reconnaît pas l’existence de harcèlement, ne lie pas le Conseil de prud’hommes. Autrement dit, le harcèlement peut être admis au civil alors – même qu’il ne l’a pas été au pénal.

Conformément au Code pénal (13), toute personne qui se rend coupable de harcèlement sexuel ou moral est passible d’une sanction pénale pouvant aller jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 € d’amende (rapportés à 3 ans de prison et 45 000 € d’amende en cas de circonstances aggravantes).

 Pour aller plus loin :

A lire aussi, dans « Vos droits », la fiche sur « la discrimination au travail« 

– art. L. 1153-1 et s. C.trav et 222-33-2 du C. pénal pour le harcèlement sexuel
– art. L. 1152-1 et s. C.trav et 222-33 du C. pénal pour le harcèlement moral
– art. L. 1154-2 C.trav : actions en justice des organisations syndicales
– art. L. 1154-1 C.trav : charge de la preuve du harcèlement
– art. L. 1155-2 C.trav : sanctions pénales
– art. L. 1152-2 C.trav : protection des victimes et témoins du harcèlement moral
– art. L. 1153-3 C.trav : protection des victimes et témoins du harcèlement sexuel

(1) L.1153-5-1 C.trav.

(2) L.2314-1 C.trav.

(3) Cass. soc., 6 décembre 2011, n°10-82.266.

(4) Cass. soc., 10 novembre 2009, n°08-41.497.

(5) Cass. soc., 26 juin 2019, n°17-20.723.

(6) Cass. soc., 6 juin 2012, n°10-28.345.

(7) Cass. soc., 10 mars 2009, n°07-44.092.

(8) Cass. soc., 19 avril 2023, n°21-21.053.

(9) L.1155-2 C.trav.

(10) L.4121-2 C.trav.

(11) L.2312-59 C.trav.

(12) L.1154-1 C.trav.

(13) 222-33-2 C.pén.

SOURCE: CFDT.FR

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