Si une envie pressante de dénoncer cette proposition assaille le lecteur, il faut savoir qu’elle n’a pourtant rien d’original. Au sein des entreprises et des collectivités, il existe déjà un nombre considérable de processus en cours d’exploitation qui ont pour dommages collatéraux la démotivation, la perte de confiance, de solidarité, de loyauté et pour bouquet final, la fracture organisationnelle. Une étape où le sentiment d’impuissance gagne en force et rend littéralement malade.

Ces dommages collatéraux sont l’expression de la charge du facteur humain dans les postures et décisions. Mais pourquoi s’embarrasser de données qui assombrissent l’atteinte d’objectifs déjà sous pression, surtout si elles risquent de contrecarrer un plan de carrière ? Chercher à faire des économies en coupant des postes au lieu d’apprendre à gérer les dommages collatéraux est un exemple probant. D’autres exemples ?

La reconnaissance des talents en interne

Pourquoi parler d’attractivité et de recrutement lorsqu’on ne sait déjà pas reconnaître les talents en interne et qu’ils finissent par partir précisément pour cette raison ? Cela ferait pourtant moins de personnes à remplacer. Et que fait-on de ces nouveaux talents une fois embauchés ? On attend qu’ils se démotivent, et on refait une campagne d’attractivité.

La responsabilité du management

Pourquoi parler de qualité de vie au travail alors que le management est incapable d’admettre qu’il est celui qui génère, et à lui seul, les 3 premières causes responsables des risques psychosociaux ? Portée par la direction des ressources humaines, la QVT trouve vite son plafond de verre. Dans l’échec aussi prévisible, il faut voter l’acquisition d’un babyfoot pour en faire un choix d’apaisement.

Faire perdre la motivation et rendre malade son personnel n’est pas si complexe. Il suffit de peu de choses… Voyons ces 5 étapes :

Le management :

  1. Souffre d’une forme de surdité sélective : il entend ce qui lui convient seulement, donc inutile de lui répéter que les choses vont mal ou qu’elles pourraient aller mieux.
  2. Souffre d’un délirium soudain mais temporaire : ses décisions spontanées, si elles n’apparaissent pas déséquilibrées de prime abord, sont toutefois fréquemment déroutantes et injustifiées. Inutile de chercher à s’adapter ou suivre, l’imprévisibilité est de loin trop élevée, il n’y a qu’à attendre le changement de poste du manager concerné.
  3. Consulte souvent et bien, dira-t-il. Mais s’accorde néanmoins l’autorisation de choisir les réponses qui n’engagent que les autres. Il oublie les autres réponses, ne comprend pas que le problème reste entier, consulte à nouveau. Ne répondez plus aux sondages.
  4. Exhorte avec intensité à partager des valeurs communes. Il sait que les mots deviennent stériles à l’usage mais il se satisfait de son auto-conviction. Inutile d’espérer que la prochaine fois sera la bonne. On ne gagne jamais à mettre son destin dans les mains de prêcheurs qui aiment valser.
  5. Condamne le manque de leadership des autres managers : il préfère masquer l’absence de son propre leadership ou faire abstraction de la méfiance que lui-même génère. Inutile d’avoir des idées qu’il n’aura pas pensé lui-même ou vouloir s’investir dans la réussite de l’organisation – sa simple présence est son barème de satisfaction et si vous osez le défier, il vous calera au fond de votre chaise en vous traitant poliment de danger pour l’équilibre de la qualité de vie au travail.

Ce n’est pas le travail qui rend malade

Entendons-nous bien : ce n’est pas le travail qui rend malade. Ce sont ceux qui ne se préoccupent pas plus des limites de leurs compétences que de la responsabilité de leurs postures et décisions en tant que managers et des effets négatifs qu’ils imposent. Malheureusement, une formation en management ne fait que renforcer l’illusion de l’enrichissement des compétences sans apporter le moindre changement favorable à l’état d’esprit, lequel exige plutôt une bonne dose d’humilité.

Lorsque la culture organisationnelle est malsaine, ce sont les gens sains, attachés à une volonté forte de réussir, de propulser, d’inspirer qui finissent par partir ou tomber malades parce qu’ils s’épuisent à se confronter aux combats de valeurs issues de l’inconscience managériale et de toute la panoplie d’incohérences opportunistes qui s’enchaînent. Mais lorsque la culture organisationnelle est saine, ce sont les gens malsains qui quittent.

Même si le sujet a été traité de manière caricaturale, la réalité n’en est pas très éloignée, même si tout est fait pour l’enjoliver. La souffrance professionnelle est un marqueur qui ne préoccupe pas suffisamment les dirigeants. L’absentéisme, l’attractivité, la courbe des départs ne sont pas des sujets exclusifs aux ressources humaines mais des sujets stratégiques qui devraient alimenter les discussions de tous les comités de direction.

Pour aller plus loin sur le sujet : en santé des organisations, les dommages collatéraux sont définis en 5 paliers de rupture. Ces paliers facilitent la compréhension de la dégradation progressive du climat de travail. Vous pouvez les découvrir sur le site www.santedesorganisations.fr, onglet « Culture ».

Les risques psychosociaux sont intrinsèquement liés aux conditions de travail et aux facteurs organisationnels. Afin de vous proposer une méthodologie efficace et promouvoir une meilleure qualité de vie au travail les Editions Tissot vous proposent leur documentation « RPS et QVT : le pas à pas d’une démarche à succès ».

Source: Prisca Lépine pour les Editions Tissot

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