Un salarié s’estimant victime d’une discrimination syndicale peut saisir le juge pour obtenir réparation. Mais pour cela, encore faut-il que les éléments présentés fassent naître un doute raisonnable.
Discrimination syndicale : interdiction absolue
Aucun salarié ne peut, en raison de ses activités syndicales, être traité d’une manière moins favorable.
De ce fait, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière, notamment, d’avancement, de rémunération, d’octroi d’avantages sociaux, de discipline et de rupture du contrat de travail.
A défaut, la mesure adoptée sera considérée comme abusive et donnera lieu au versement de dommages et intérêts.
En cas de contentieux, la loi allège la charge de la preuve au profit du salarié.
Dès lors, si un salarié se prétend victime d’une mesure discriminatoire, il lui appartient de présenter des éléments de fait laissant supposer son existence. Pour mémoire, une mesure peut être qualifiée de discriminatoire indépendamment de toute comparaison avec la situation d’autres salariés.
Bon à savoir
Des éléments, qui individuellement ne seraient pas constitutifs d’une discrimination, peuvent, pris dans leur ensemble, en laisser supposer l’existence (Cass. soc. 12 avril 2018, n°16-25.503).
Lorsque les éléments soumis sont retenus par le juge, la loi permet à l’employeur de les renverser en apportant la preuve contraire. Charge donc à ce dernier de démontrer que sa décision était justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.
Le juge formera ensuite sa conviction après avoir ordonné, le cas échéant, toutes mesures d’instruction utiles.
En pratique pour autant, il n’est pas toujours aisé, voire opportun, de soutenir la thèse d’une discrimination.
Discrimination : un régime probatoire parfois complexe à manœuvrer
Dans cette affaire, un salarié investi de divers mandats a été détaché à mi-temps auprès d’une organisation syndicale. A l’issue de son détachement, ce salarié a, face à l’absence de réaction de l’employeur quant à sa demande de reprise de poste, saisi le juge prud’homal.
Soutenant subir une discrimination syndicale, il invoquait en outre :
- que son salaire était inférieur à celui des salariés de sa catégorie ;
- que son salaire n’avait pas évolué depuis 10 ans ;
- la non-application d’un accord d’entreprise prévoyant que l’organisation d’un entretien d’évaluation annuel et la mise en œuvre d’un dispositif en l’absence d’augmentation individuelle pendant 3 années consécutives.
En appel, les juges avaient retenu que, parmi les éléments invoqués, seule l’absence de réaction efficace de l’employeur à sa demande de reprise de poste laissait présumer une discrimination.
Constatant que l’employeur ne démontrait pas que cette situation était justifiée par des éléments objectifs, ils en avaient déduit l’existence d’une discrimination syndicale. Discrimination alors à l’origine d’un préjudice moral pour le salarié.
Cette analyse est confirmée par la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé par le salarié.
En se positionnant sur le terrain de la discrimination, le salarié pouvait, en théorie, bénéficier d’un régime probatoire assoupli. Mais pour cela, il aurait fallu passer le premier stade du contrôle opéré par les juges.
Notez le
Il est manifeste que sur les autres éléments présentés, le salarié se prétendait lésé par rapport à d’autres collègues, ce qui aurait peut-être pu lui permettre de privilégier la thèse de l’inégalité de traitement.
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Cour de cassation, chambre sociale, 31 janvier 2024, n° 22-22.404 (la cour d’appel a justement retenu que, parmi les éléments invoqués par le salarié, seule l’absence de réaction efficace de l’employeur à sa demande de reprise d’un poste à l’issue d’un détachement syndical laissait présumer une discrimination)
Source: Florent Schneider, juriste et Responsable Pôle Droit social chez Wagner et Associés pour les éditions Tissot